L'orgue de barbarie de Bernard et Philippe

La taille et la progression

petit maigre et grand gros.png

Un grand gros et un petit maigre

 

Pour calculer les dimensions de nos flûtes dans les orgues de barbarie, nous utilisons des  diapasons sous forme de tableaux de calcul.

pour mener ces calculs nous décidons de constantes (épaisseurs des parois, hauteur des noyaux, des tampons, pression de la réserve, nombre d'Ising, fréquence du la central, etc...) mais aussi et surtout de la taille et de la progression.

 

Taille et progression déterminent les largeurs de nos flûtes. les largeurs évoluent différemment des longueurs pour conserver un timbre déterminé sur l'étendue d'un jeu de flûtes.

 

 

la taille est  le rapport entre la  longueur (L) et la largeur (W) d'une flûte. L/W=20 signifie que la taille est de 20.

 

M=16 signifie que le facteur de division ou plutôt la progression est de 16

 

progression: Détermine la manière dont évoluent les dimensions des tuyaux les uns par rapport aux autres à partir du tuyau de référence.

Exemple : si la largeur (W) du tuyau 69 est de 22 mm et si M = 18, alors la largeur du tuyau 77 (69 + 18) sera 22/2 = 11 mm.

Les valeurs courantes vont de 16 à 24 pour un orgue d'église de large tessiture. Pour les orgues de barbarie qui ne fonctionnent que sur moins de 4 octaves on semble plutôt  fonctionner entre 18 à 20.

 

Voici trois flûtes qui ont la même fréquence mais pas la même taille, elles n'ont donc pas le même timbre.

 

grande et petite taille.jpg

Une flûte de grande taille est donc étroite (à gauche ) et une flûte de petite taille est une flûte large (à droite).

C'est une notion qui peut être contraire à l'intuition et le langage courant si on pense au "tour" de taille. Mais elle devient logique si on pense à un grand maigre par opposition à un petit gros.

 

La taille influence donc principalement le timbre:

Pour les tuyaux à bouche, très larges avec un nombre faible de taille le fondamental présente une amplitude suffisante pour prédominer sur ses harmoniques.

Avec une taille étroite, donc une taille de chiffre élevée, les amplitudes du fondamental ne peuvent pas être très grandes. Le fondamental et même les premières harmoniques sont faibles ce qui favorise les fréquences élevées. Une taille fine a des partiels plus justes, plus voisins des harmoniques du fondamental. La Gambe ou le Salicional d'un orgue d'église en sont une bonne illustration. Le timbre d'une flute de petite taille se rapproche d'un instrument à vent et le timbre d'un instrument de grande taille se rapproche d'un instrument à cordes.

 

 

En simplifiant, les longueurs doublent lorsque l'on descend d'une octave et la taille ne peut rester constante car dans ces conditions, le timbre est altéré de façon perceptible.

Les facteurs d'orgue se sont assez vite aperçus qu'il fallait faire varier également la larguer sans conserver exactement ce rapport: la taille, en gros la largeur double non pas pour descendre de 12 notes chromatiques mais selon cette valeur que l'on nomme la progression. leur rapports ne sont donc pas dans une même homothétie sur l'étendue du diapason.

 

Autre Exemple:

Une progression de 16 signifie que la largeur d'une flûte basse est le double d'une note qui se trouve 16 demi-tons plus hauts (alors que sa longueur est le double d'une flûte 12 demi-tons plus haut).

 

De la même manière que la taille varie d'une note à l'autre, la progression (le terme que l'on applique au calcul de la taille) n'est pas nécessairement constant pour l'ensemble des flûtes d'un même jeu mais un terme lui-même progressif. Une observation de différents diapasons peut conduire à conclure que la progression peut (ou doit), elle  aussi, être progressive.

 

Un progression de 16 pour les plus basses semble un compromis majoritairement admis, mais dans les plus aigües une progression de 20 à 24 semble aussi un bon compromis (tout du moins à mes oreilles). Donc pour raccorder un diapason qui veut satisfaire à la fois ces deux principes il est envisageable de construire un diapason à progression progressive.

 

La taille et la progression qui font donc varier la longueur et la largeur dans des proportions calculés mais indépendantes ont pour rôle de conserver le timbre d'une flûte à l'autre sur l'étendue d'un même jeu dans le résonateur c'est à dire le corps de flûte.

 

C'est cette astuce qui n'a été révélée que partiellement à Dom Bedos  par les facteurs d'orgues qui lui ont laissé croire que la taille était constante sur l'étendue d'un jeu de flûte et proche de 16 ce qui n'est vrai que pour les basses. Cette notion de taille constante est transcrite dans son livre "l'art du facteur d'orgue", ce qui démontre bien qu'il ne construisait pas lui-même.

 

Le nombre d'Ising qui joue sur les rapports de hauteur de bouche et largeur de lumière rempli le même rôle pour le système excitateur c'est à dire la bouche qui produit le vortex.

 

Mais si, simultanément, on veut tenir compte du diagramme d'Ising et des tailles et progressions progressives on se trouve alors dans un ensemble de conditions et un système d'équations suffisant qui détermine par le calcul l'ensemble des différents paramètres d'un diapason. Ce qui choque ceux qui affirment que seul l'art de l'harmonisation intuitive à l'oreille peut résoudre ce problème et pas le calcul. Pourtant, avant d'harmoniser à l'oreille, ils ont eux aussi calculé et construit leurs flûtes avec un diapason tout aussi théorique.

 

Un lien vers les explications de MMD (malheureusement en anglais) sur le  nombre d’Ising et son application aux diapasons
Un autre lien vers MMD sur la  construction des diapasons par Johan Lijencrans et celui vers le site de Johan Lijencrans

Un lien toujours de Johan Lijencrans sur les répartitions des progressions et tailles 

 

 

 

taille et progression.png

 

Si on fait toutes les flûtes avec la même épaisseur de lumière (méthode Van de Vrie) les basses vont avoir un niveau sonore plutôt faible. voir feuille de Calcul du Diapason méthode V.de Vrie  à la page 3 "graph1" et feuille 1. C'est pourtant la méthode qu'adoptent sans le savoir ceux qui utilisent un carton d'épaisseur constante pour faire la lumière sans limer le noyau. Dans ce cas on fixe l'épaisseur de la lumière (0.54mm constant dans le cas présent) et on en déduit la hauteur de bouche par le calcul d'Ising. Le graphe des rapports entre la larguer de lumière et la hauteur de bouche sur fond logarithmique est alors une horizontale puisque toute les lumières sont identiques.

 

Si on fait toutes les flûtes selon la seule règle d'Ising les aigües sont trop étroites pour être fabriquées. voir feuille de Diapason méthode Ising à la page 3 "graph1" et feuille 1. Dans ce cas on fixe la hauteur de bouche (par exemple en proportion de la largeur interne de flûte par exemple 1/3) et on en déduit l'épaisseur de la lumière. Les basses sonnent correctement mais les aigües sont inconstructibles. Le graphe des rapports entre la largeur de lumière et la hauteur de bouche sur fond logarithmique est alors une droite avec une pente constante.

 

ising non progressif.png

 

Ces deux pentes illustrent aussi (selon mon opinion)  l'influence des interactions en jeu qui génèrent le vortex d'une flûte telles que Raleigh et Helmotz l'expliquent (voir les extraits page 56).

 

En conclusion on recommande sur ce blog l'utilisation d'un diapason avec progression progressive qui réuni les avantages des deux méthodes ci-dessus des aigües sur l'horizontale et des basses sur une pente d'Ising avec des flûtes intermédiaires qui raccordent progressivement.

 

ising progressif-R.png

 

Mais les diapasons circulent librement sur le net et  il en existe beaucoup d'autres.

 

Michel Fischer, mon formateur en matière de construction d'orgue de barbarie, était assez en accord avec ces propositions et avait construit un   orgue de foire selon ce principe (on peut l'observer en remarquant les largeurs quasi constantes des flûtes aigües alors que les basses on des variations plus importantes entre flûtes consécutives)

 

 

Il était le seul à avoir débattu avec moi de ce calcul. Mais depuis son décès je n'ai plus d'interlocuteur sur le sujet et le débat est en panne.

 

Les constructeurs amateurs se contentent d'appliquer son diapason donné dans son carnet de stage.

   

Il en existe d’autres qui circulent comme  celui de PP pierre pénard la  feuille de calcul dans son article sur son site.

 

Ou la  progression est constante et dénommée facteur de division. par contre son diapason utilise lui aussi le calcul d'Ising!

 

Il faut noter au passage que le nombre d'Ising doit être compris entre 2 et 3, qu'avec un nombre d'Ising de 2 la transition est molle et qu'avec 3 la flûte octavie (passe à l'octave supérieure). Le milieu d'un intervalle logarithmique entre 2 et 3 n'est pas 2,5 mais 2,3.

 

effectivement sur un orgue de barbarie peu étendu (moins de trois octaves) la question n'aura que peu d'influence!

Mais sur un orgue d'église ou un orgue de foire type 105 touches (soit plus de 8 octaves) le problème est plus sensible (note: dans un orgue de foire chaque jeu ne couvre pas systématiquement les 105 notes).

 

 

Ces considérations sont fortement combattues dans  le milieu des facteurs d’orgue d’église professionnels et sont très peu prises en compte actuellement mais le sujet mérite d'être abordé.

 

Une question à débattre donc mais avec d'autres arguments que des impressions et des certitudes ou convictions sans justifications en ne faisant appel qu'à la tradition. Car que l'on soit facteur d'orgue professionnel ou constructeur amateur la question est bien commune.

 

Il faut aussi reconnaitre que bien que la largeur de lumière  dans ce type de diapason soit parfaitement déterminée, comme il s'agit du dernier paramètre à mettre en œuvre le constructeur amateur que je suis travaille aussi à l'oreille et je ne vérifie pas l'exactitude par rapport aux valeurs annoncées du tableau avec une mesure très délicate à exécuter au palmer ou avec des cales d'épaisseurs dans des conditions peu pratiques d'accès et finalement sans intérêt puisque ce qui compte c'est la satisfaction auditive finale.

J'harmonise mes flûtes par un  réglage de l’épaisseur de la lumière une  alternative au réglage du débit en pied.

 

Donc finalement si nos façons de calculer ne sont pas exactement les mêmes nos façons de faire se rejoignent et exactement comme pour le calcul d'un tempérament et l'accordage d'un piano le calcul est théorique et la mise en œuvre reste une affaire de pratique.

 

 

La  loi de Bernoulli ne s'applique pas stricto sensu, du coup dans le tableau le calcul de la vitesse entre la sortie et le bord d'attaque de la lèvre supérieure (la hauteur de bouche) doit être recalculée en référence circulaire avec plusieurs paramètres. Il faut alors peut-être limiter le nombre d'itérations pour limiter le temps de calcul, sinon l'ordinateur peut tourner en rond indéfiniment.

Mais cela fera l'objet d'un article futur...

 

 

Quelque liens pour aller plus loin:

 

http://michele-gabriel.chez-alice.fr/pge77-31.html#calibrage

 

http://hydraule.org/tuyau/tailles/idxprogs_fr.htm 

 

http://www.hydraule.org/eglise/forum/read.php?2,598

 

http://hydraule.org/bureau/biblio/diderot/diapason.htm

 

http://hydraule.org/bureau/biblio/diderot/diderot.htm

 

http://www.rwgiangiulio.com/math/

 

http://www.tricoteaux.com/3-harmonisation.html

 

http://lplet.org/textes/idxconf.htm

 



24/03/2016
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