Harmonisation par réglage de la largeur de la lumière
Le rapprochement de deux effets opposés,
peut produire un résultat original!
La pression de l'air dans la lumière d'une flute est fonction de plusieurs facteurs:
- la pression de départ dans la réserve
- les pertes de charges dans les conduits entre les deux dont principalement la perte de charge dans la vanne à membrane
- le volume de la chambre du noyau
- la section de la lumière
Cette pression va directement influencer la vitesse de sortie qui elle aussi est très complexe à calculer ou prévoir en fonction des correctifs à la loi de Bernoulli.
Heureusement nos pratiques utilisent une méthode empirique qui ne demande qu'une oreille attentive.
Mais expliquer pourquoi et comment elle fonctionne est possible:
Si on rapproche l'article sur l'effet venturi et celui sur les couches limites, leurs conclusions semblent en contradiction!
En effet dans un venturi la vitesse de l'air augmente dans un conduit quand la section diminue.
Et entre deux couches limites la vitesse de l'air augmente dans un conduit quand la section augmente.
La contradiction n'est qu'apparente car les deux principes sont exacts et applicables mais ils s'appliquent à des domaines de définitions distincts:
les couches limites freinent l'air pour des sections proches de l'épaisseur des couches limites, donc des sections faibles.
L'effet venturi s'applique pour des sections importantes où les couches limites sont négligeables.
Les couches limites sont prédominantes dans les sections très étroites et l'effet venturi prédomine pour les sections plus importantes où l'on peut négliger les effets des couches limites.
Autrement dit ces deux phénomènes expliquent la physique en cause pour des domaines de définitions des sections très différents.
Mais lorsque l'on additionne les deux effets pour une section intermédiaire, la vitesse, donc la puissance sonore, passe par un maximum pour une section particulière déterminée au croisement des deux courbes. La vitesse diminue de chaque coté du maximum que la section augmente ou diminue pour produire un effet en fonction de l'effet prédominant.
On sait par ailleurs avec la loi de Bernoulli que dans la partie juste avant la sortie de la lumière d'une flute qui fonctionne correctement la vitesse est de l'ordre de 40 m/s en raison des calculs de débits. Le régime dans la partie juste avant la sortie de la lumière devient donc turbulent. Puis la largeur de lumière augmentant encore la vitesse diminue par le seul effet venturi (les couches limites étant négligeables au regard de la section).
En dehors de de la zone de l'optimum le régime est laminaire. Conclusion une flute fonctionne parce qu'elle est en régime turbulent et jamais laminaire!
C'est d'ailleurs cette propriété que nous utilisons intuitivement quand nous harmonisons par réglage en limant la lumière avec des limes bricolées maison, en écoutant à l'oreille le son qui gagne en puissance dans un premier temps puis passe par un maximum et qui, si on lime trop, perd en puissance.
Nous faisons parcourir la section de la lumière dans le domaine du croisement des deux effets en jeu les couches limites et l'effet venturi, en recherchant à nous caler juste avant le maximum pour à la fois réduire la consommation d'air et obtenir la vitesse donc la puissance sonore maximum ou plutôt optimum.
Suite aux dernières modifications pour la construction de la flute du stage la lumière n'est plus obtenue par cette technique avec une lime mais en utilisant des cales d'épaisseurs variables en nombre et épaisseurs, intercalées entre le noyau et la lèvre inférieure.
Les couches limites nous expliquent aussi pourquoi lors de l'harmonisation par réglage en lumière l'état de surface et la forme ( arêtes arrondies et longueur de la partie droite du conduit de la lumière) sont si sensibles pour les parties du biseau du noyau et de la lèvre inférieure.
On sait que cela influence les passages du régime laminaire au régime turbulent et inversement.
De plus on distingue généralement un régime turbulent lisse et un régime turbulent rugueux.
Les explications ci-dessus nous conduisent donc à préférer faire fonctionner nos flutes dans le régime turbulent lisse.
Personnellement après avoir limé la lèvre inférieure, je vais jusqu'à lustrer ces parties et quelques fois les enduire de graphite...
C'est ce qu'on désigne par le terme de "brunissage", "lustrage" ou encore "polissage" avec un affiloir qui consiste à écraser les fibres du bois avec un outil lisse en acier dur le même qui sert à travailler le morfil d'un racloir.
Tant pour le noyau que la lèvre inférieure, je veille à avoir le fil du bois parallèle au sens du flux d'air et à le poncer avec un grain moyen dans le même sens, puis à le lustrer pour écrêter les stries, pour bénéficier de l’effet Riblet.
On désigne cette méthode "harmonisation en lumière" par opposition avec "l'harmonisation en pied" qui fait varier l'arrivée du vent donc la quantité d'air en débit et pression.
Voir l' article de Tricoteaux:
2) Le réglage du vent et sa pression
"Il y a en gros deux manières de régler le vent, qui correspondent si l'on veut à deux écoles:
- le réglage à la lumière,
- le réglage au pied.
Le réglage à la lumière consiste à laisser le pied complètement ouvert, ou presque, et à régler le vent au niveau de la lumière en la fermant. De cette manière, le vent entre dans le tuyau avec toute la pression qu'il y a dans la gravure. Le tuyau consomme tout le vent que lui fournit le sommier, et l'équilibre se fait entre la hauteur de bouche et la pression. La hauteur de bouche doit être telle qu'elle absorbe tout le vent (ou presque). Au contraire, le réglage au pied consiste à fermer le pied et à laisser la lumière ouverte. De cette manière, la pression est réduite dans le tuyau par la fermeture du pied.
Par conséquent, quand on règle à la lumière, on donne à tout l'orgue une pression basse, qui correspond à ce dont les tuyaux ont besoin pour fonctionner. Inversement, quand on règle au pied, on donne à tout l'orgue une pression haute, beaucoup plus haute que celle dont les tuyaux ont besoin, on ferme les pieds jusqu'à ce que la pression à l'intérieur de ceux-ci corresponde à ce qu'il faut pour qu'ils fonctionnent, et on laisse la lumière assez grande de façon à ce qu'elle n'influe pas trop. En fait, la lumière est tellement grande qu'il y a une décompression dans le pied et au niveau de la lumière. Il peut y avoir 80 de pression dans la gravure, et pas plus de 30 dans le pied et à la lumière.
Quand on règle à la lumière, tous les tuyaux fonctionnent au même régime, qui correspond à la pression de l'orgue. Quand on règle au pied, on peut modifier la pression pour chaque tuyau et les faire fonctionner à divers régimes: on peut garder une pression haute pour certains jeux, et obtenir une pression basse pour d'autres jeux en fermant les pieds. La même chose se produit à l'intérieur des jeux, entre les différentes zones du clavier. Une première conséquence, c'est donc que quand on règle à la lumière, le son n'est pas toujours uniforme à l'intérieur des jeux: il peut y avoir des différences, des changements de timbre, des « trous » où le son est plus faible, parce que la pression est un peu basse relativement aux paramètres des tuyaux à cet endroit. Quand on règle au pied, on enlève ces inégalités plus facilement, parce qu'on a assez de réserve de pression dans la gravure.
Une autre conséquence, c'est que lorsqu'on règle à la lumière, les tuyaux réagissent davantage aux variations de toucher au clavier, parce que tout le vent libéré par la soupape parvient au tuyau sans être freiné. A l'inverse, si on règle au pied, la décompression du vent au niveau du pied et de la lumière neutralise la sensibilité au toucher et uniformise l'attaque. En fait, la pression qui arrive au niveau de la lumière peut être la même dans les deux cas, mais les petites variations dues au toucher sont neutralisées avec le réglage au pied.
D'après mon observation, le réglage à la lumière favorise le mélange des jeux. On le remarque particulièrement dans les orgues nord-allemands, dans lesquels un très grand nombre de mélanges fonctionnent. Il est difficile d'en expliquer la raison. Je suppose que lorsque la hauteur de bouche absorbe toute la pression, et que le tuyau fonctionne presque à sa limite, cela crée un équilibre entre la fondamentale et ses harmoniques. Le traitement du biseau joue aussi un grand rôle pour ne pas avoir trop d'harmoniques.
On construit les sommiers différemment suivant que l'on choisit de régler le vent à la lumière ou au pied. Quand on règle à la lumière, la pression étant basse, les gravures et les soupapes doivent être larges pour assurer un bon débit, ce qui donne un toucher avec un fort décollement. A l'inverse, quand on règle au pied, la pression étant haute, les gravures et les soupapes peuvent être fines, et le toucher est plus léger et a moins de décollement."
C'est pour cette raison que le distributeur intégré dans le collecteur a été autant élargi avec les 3 planches intermédiaires!
Il n'est pas possible d'agrandir le diamètre d'alimentation d'une flute après construction puisque cette cote est aussi utilisé dans la vanne intégrée, le noyau et le pied. Par contre on peut toujours réduire si nécessaire le diamètre en pied avec des réducteurs du type de la figure ci-dessous:
Cela influence donc les débits et les pressions avant et après dans le parcours de l'air et comprendre l'effet venturi est indispensable.
Une vidéo sur l’harmonisation et diverses astuces.
Conclusion
Je nage dans l'incertitude!
Il y a un doute! Je pensais que les orgues de barbarie à un seul jeu de bourdons sont facilement harmonisés avec le réglage en lumière et les orgues à plusieurs jeux sont préférentiellement harmonisés avec la méthode de réglage en pied pour bénéficier de pressions adaptables avec une production d'air qui doit être alors plus largement dimensionnée ainsi que les gravures du sommier.
L'article de Tricotaux nous dit le contraire:
"D'après mon observation, le réglage à la lumière favorise le mélange des jeux. On le remarque particulièrement dans les orgues nord-allemands, dans lesquels un très grand nombre de mélanges fonctionnent. Il est difficile d'en expliquer la raison. Je suppose que lorsque la hauteur de bouche absorbe toute la pression, et que le tuyau fonctionne presque à sa limite, cela crée un équilibre entre la fondamentale et ses harmoniques."
En tout cas le réglage en lumière se fait à l'oreille avec une même pression basse, des gravures larges et l'on sait pourquoi il existe un optimum pour une valeur très précise et plutôt plus fine de chaque lumière en allant vers les aigües.
Ensuite il y a d'autres paramètres à maitriser ou corriger après les calculs pour l'harmonisation en lumière:
la hauteur de bouche et la progression dans le tableau de calcul (pour les phicophones),
l'angle d'attaque du vortex sur l'arrête de la lèvre supérieure (en jouant sur l'alignement lèvre et fond du noyau),
la rugosité ou plutôt l'état de surface (polissage) du biseau et de la lèvre inférieure avant la lumière,
le diamètre d'alimentation (que l'on peut seulement diminuer),
la longueur du couloir à épaisseur constante entre la lèvre inférieure et le noyau (en jouant sur les pentes),
le débit du capillaire (avec la vis de réglage),
l'accord qui se modifie après chaque modification (avec le tampon pour les flutes fermées ou autre pour les flutes ouvertes), etc..
On peut comparer ce qui se passe avec une fissure dans un barrage hydraulique. Sous la pression lorsque la fissure est microscopique on observe une trace humide puis un goute à goute on est alors dans le domaine laminaire puis à partir d'une section suffisante un jet brumisateur on arrive dans le domaine turbulent puis on a une fracture à bords larges l'eau coule à flot les effets de bords sont négligeables le débit est fonction de la section on retombe dans le domaine laminaire.
Comment harmoniser une flute alors que la soufflerie n'est pas encore fabriquée et que l'on s'interdit de souffler dedans?
La recommandation pour les essais et tests sans moteur mais sans manivelle celle de JCA :
On a depuis trouvé une méthode pour souffler avec les poumons et approcher ces réglages avant montage sur l'orgue:
On peut éventuellement en soufflant avec la bouche dans les conditions finales à savoir avec une longueur quelconque de tube de commande branché sur une pièce qui remplace la flute de pan avec une sortie en section carré 3*3mm.
ce qui permet:
- de calibrer la lumière en creusant dans la lèvre inférieure ou intercalant des cales entre le noyau et une lèvre inférieure plate pour chercher la puissance maximum, voir l'article harmonisation.
- de vérifier le déclenchement de l'ouverture et fermeture franche.
- de vérifier la rapidité de répétition en soufflant et en passant un doigt sur la sortie de section carré 3*3.
- un pré-accordage provisoire voir article accordage
Un lien vers une série sur l’harmonisation d'un orgue d'église.
Il ne faut pas confondre accordage et harmonisation!
L'accordage ne règle que la fréquence de la note entendue.
L'harmonisation s'occupe de la puissance sonore et son équilibre entre les notes, mais aussi du timbre des flutes qui doit conserver une similitude sur l'ensemble de l'ambitus.
Le timbre étant une résultante de l'ensemble des harmoniques et partiels présents dans chaque phases comme les transitoires d'attaque et extinction plus le régime permanent.
L'harmonisation est donc quelque chose de très complexe et par conséquence encore assez mal défini physiquement mais beaucoup plus approché empiriquement.
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