l'alimentation en air pour un jeu de flûtes
Cet article fait suite à un débat houleux sur la quantité d'air qui doit alimenter les différentes flûtes d'un même jeu en fonction de la lumière ou des dimensions des flûtes.
Certain constructeurs amateurs affirment que l'on peut alimenter tout un jeu de flûtes pour orgue de barbarie 27 touches pneumatique de type Erman avec le même diamètre (à savoir un diamètre de 8mm pour certains économes de l’air pour réduire la soufflerie et 10 mm pour les JTM qui pratiquent la boite à soupape de Michel Fischer).
Ce qui me parait très improbable et plutôt dommageable à l'équilibre des puissances des basses par rapport aux aigües (des basses sous-alimentées paraîtront poussives et les aigües peuvent en contre partie sembler trop brillantes).
Comme d'habitude je me suis plongé dans la relecture des ouvrages à ma disposition.
Voici les résultats de l'étude des documents sur le sujet:
Il est étonnant de constater que cet aspect de la technique n'est pas abordé dans la plus-part des ouvrages (y compris dans "l'Art du facteur d'orgue" de Dom Bedos) sans doute par ignorance des calculs à effectuer. Il est aussi étonnant que la plus-part des diapasons qui circulent ne mentionnent généralement ni le calcul ni une dimension pour le diamètre ni la section d'alimentation des flûtes. (sauf que les diapasons mis à votre disposition sur ce blog dans les téléchargements eux, en font état sur une colonne à droite des tableaux Excel).
Instinctivement on se doute qu'une flûte basse consomme plus d'air qu'une petite flûte dans l'aigüe et donc avec l'air d'une même réserve et avec une même pression, il lui faut une section d'arrivée plus grande pour obtenir l'équilibre et une puissance sonore à peu près équivalente mais dans quelle proportions?
Les deux seuls ouvrages à ma connaissance qui abordent ce sujet sont:
"the art of organ building de George Ashdown Ausdley" pages pages 478, 483 et 487 avec quelques éléments succins de tableaux des diamètres (en pouces) pour l'arrivée d'air en pied des flûtes pour quelques type de flûtes. Ces dimensions sont confirmés par les explications de l'ouvrage suivant:
"L'art du facteur d'orgue de joseph Guédon" dans son complément à l'ouvrage de Dom Bedos pages 250 à 259 et 267, 268 qui donne un développement beaucoup plus argumenté qui peut se résumer ainsi:
En partant d'une flûte correctement alimentée, si on descend de deux octaves le diamètre d'alimentation de la flûte d'arrivée doit être doublé par rapport à la flûte de départ. Les quantités intermédiaires se déduisent facilement au moyen des proportions logarithmiques.
Dit encore plus simplement en raisonnant sur la section (qui est proportionnelle au carré du diamètre): La section d'alimentation double en descendant d'une octave.
Voici les termes exacts tels qu'ils sont écrits dans l'art du facteur d'orgue.
"De nombreuses expériences à ce sujet ont amenés le résultat suivant:
1° Pour des tuyaux de même largeur, et de longueurs différentes, les quantités d'air écoulé dans le même temps doivent être dans un rapport inverse des racines carrées de leurs longueurs.
2° Pour des tuyaux de même longueur, mais de largeurs inégales, les différentes quantités d'air doivent être dans le rapport des carrés des diamètres."
un scan de la page 252 (à étudier de près):
L'article de joseph Guédon explique également comment calculer la quantité d'air consommée par seconde en partant du temps nécessaire pour vider complètement la réserve dont le volume est connu avec la flûte qui sonne et sans la flûte. Connaissant cette quantité et la pression on peut déduire des lois de la dynamique des fluides le diamètre minimum pour avoir un écoulement avec un minimum de pertes de charge. Mais ce calcul n'est pas indispensable comme nous allons le voir avec ce qui suit.
Personnellement je suis arrivé à cette même conclusion par un biais différent après des essais sur les flûtes avec les vannes à membrane. Je calcule la section réelle de la lumière et j'alimente la flûte avec une arrivée d'air dont la section est environ 6 fois la section de la lumière (pas moins de 5 fois minimum et pas plus de 7 fois maximum). Ce qui me donne également les dimensions des vannes correspondantes. Cette technique permet un équilibre de construction entre les différentes puissances sonores des flûtes d'un diapason tout en harmonisant en cherchant individuellement la puissance maximale en harmonisant par réglage à la lumière.
Les diapasons actuels sont déjà relativement complexes (nombre d'Ising et progression progressive par exemple ne sont pas des notions actuellement pratiquées dans la facture d'orgue d'église).
J'y trouve personnellement un intérêt et une voie de compréhension des différences de fonctionnement entre les graves et les aigües. Le sujet est donc ouvert et non débattu (ça sera peut-être un jour le sujet d'un article).
Il est aussi impératif de renforcer la puissance des basses pour d'autres raisons comme les diagrammes de Fletcher qui nous montrent la baisse de sensibilité de nos oreilles avec l'âge.
Alors pourquoi mettre un même diamètre sur l'ensemble? Tout simplement pour simplifier les approvisionnements et l'usinage! Mais après le constructeur amateur qui pratique cette méthode se retrouve avec un problème au moment de l’harmonisation. Il semble aussi que les soupapes classiques type Erman ou Höffle nécessitent pour répéter correctement d'une limitation du débattement.
Exemple d'un BOB sur un forum:
"J'ai fait l'essai préconisé par Pierre . J'ai branché une boite avec une seule soupape directement sur la soufflerie et sur la flûte de pan. Cette soupape a une membrane faite en cuir (un morceau de gant de 5/10è) donc plus épais que la peau utilisée dans ma boite , et là mes répétitions fonctionnent sans problèmes même sur le carton à trous carrés. J'ai rebranché la boite normale et .. plus de répétitions , il y a donc bel et bien un problème au niveau de ma boite. La soupape unique s'est laissée régler sans problèmes. Je pense que c'est effectivement une histoire de course car la membrane de la soupape unique, est plus épaisse, et fonctionne correctement . Je pense qu'il faudra que je sorte cette boite et que je la modifie , en réduisant d'un mm la course des soupapes , mais j'attends d'abord votre avis. Dur dur , faudra tout débrancher. Pour répondre à Pierre , ce n'est pas un orgue Höffle que je construit j'ai juste fabriqué la boite à soupapes de cette brochure , pour le reste c'est celui du cahier des orgues Quimpérois avec quelques petites modifications.
J'ai démonté ma machine pour sortir la boite à soupapes . J'ai réduit la course pas tout à fait de 1 mm (juste en changeant l'épaisseur du joint) , et maintenant mes soupapes répètent . Sur le carton de réglage à trous carrés qui ne fonctionnait pas du tout , toutes les répétitions fonctionnent pratiquement normalement , faut juste les affiner un peu , chose que je peux faire maintenant , car suite à cette modif les soupapes réagissent à la vis de réglage , ce qui n'était pas le cas avant . A priori c'était bel et bien une histoire de course trop importante , je suis passé à environ 2,5mm.On va laisser comme ça , et par la suite je referais une autre boite (peut être même un autre orgue) avec des membranes en baudruche ."
NDLR: on déconseille pour une membrane la baudruche qui n'est pas, contrairement à une croyance tenace, un matériau élastique mais au contraire très résistant à la déformation puisqu'il s'agit de l'intestin de bœuf tanné. Il sera alors difficile d'obtenir un débattement par déformation de la membrane. Sauf à poser la baudruche avec un outil de forme pour la pose qui va automatiquement introduire des plis puisqu'il est impossible d'avoir une partie sphérique raccordée avec une partie plane en partant d'une feuille plane.
Bien évidemment limiter le débattements des soupapes limite également le débit donc le diamètre utile d'alimentation de la flûte, si elles sont toutes du même diamètre pour l'ensemble d'un jeu.
En effet avec un débattement de 2.5mm le diamètre maximum pour un tuyau d'alimentation sera de 10mm au delà, il n'est plus utile de l'agrandir. Sinon des pertes de charge avec les conséquences de l’ effet venturi vont intervenir.
Mais là il me faut être prudent puisque je ne pratique pas ce type de soupapes.
Je me limite donc à citer les interventions de ceux qui en débattent.
Les mêmes constructeurs en général critiquent souvent le fait d'être obligé de changer d'outil plus fréquemment lors de la fabrication des vannes à membranes. Mais la technique des VMT et VMC permet justement de récupérer du temps lors de l'harmonisation et les débattements plus importants nécessaires aux débits des basses ne ralentissent pas les répétitions puisque les membranes n'ont que peu d'inertie par rapport aux soupapes avec pilote.
Comparez et écoutez! Même si les conditions d'enregistrement peuvent fausser le résultat final :
Un exemple d'orgue où d’après le constructeur lui-même tous les tuyaux sont alimentés en 8mm (les basses arrivent à jouer mais elles semblent au coin de la rue par rapport aux aigües):
un exemple de vidéo de flûtes sous-alimentées:
Depuis François Boucher le constructeur de cet orgue a modifié les alimentations en fabriquant des VMC adaptées aux diamètres des basses.
Les diamètres d'alimentation doivent être adaptés or avec des boursettes de même diamètre le débattement sera aussi le même et finalement limitera le diamètre maximum dans les basses et si on les fait toutes de la dimension qui convient aux basses elles vont tenir beaucoup trop d'espace pour les aigües.
Dans une boîte de soupapes Erman traditionnelle les boursettes sont identiques (26mm de diamètre) ont un débattement de 2.5mm ce qui limite le diamètre de sortie à 10mm. Comme on alimente les basses en 12mm (on devrait même mettre plus mais passons) en général la pression entre la réserve et celle qui arrive dans la flûte subit déjà une perte de charge qui impose d'augmenter la pression dans la réserve par rapport à la pression du calcul pour le diapason.
C'est une conséquence de la dynamique des fluides mais ce n'est pas simple à comprendre et encore moins à expliquer il faut au moins assimiler l’ effet venturi et les couches limites ce qui débouche sur l’ harmonisation en lumière.
Le meilleur spécialiste de la question des pertes de charge dans nos orgues, Bernard Baudouin, a développé la question dans son blog.
Je recommande spécialement ses articles débit des flûtes et du débit des pompes.
Les problèmes du calcul des pertes de charges et de la mesure de la pression de départ sont trop souvent ignorés où négligés alors qu'ils sont à prendre impérativement en compte pour ne pas travailler à des pressions trop éloignées de celles prévues pour la construction des flûtes quelque soit le diapason utilisé.
et un autre exemple où même si je n'en ai pas la preuve je suis assez certain pour affirmer que ce n'est pas le cas (les basses sont au même niveau que les autres):
Dans l’orgue de Bernard: Il faut remarquer l'équilibre relatif entre les basses et les aigües, la rapidité des répétitions et surtout le détaché des notes en midi qui est plus net qu'avec un carton (pour mes oreilles mais certains diront que je ne suis pas objectif).
A chacun de se faire une opinion, il n'y a ici rien d'obligatoire, j'espère avoir correctement justifié mon point de vue en fonction de la documentation et de mes expériences personnelles.
De mon point de vue ceux qui limitent la puissance de leur orgue ont un autre objectif:
pouvoir chanter plus fort que l'orgue! Ce qui est aussi un objectif honorable.
Cet orgue est construit selon le tableau téléchargeable; un diapason pour les flutes avec vanne à membrane VMT ou VMC. Si vous voulez limiter la puissance de votre orgue tout en conservant cette technique la solution est assez simple, limitez la pression!
Surtout pas après la construction (c'est trop tard) mais dès la conception en utilisant la pression visée dans le tableau de calcul du diapason, car un jeu de flûte est calculé pour une pression donnée et il est imprudent de s'en écarter de trop.
Et en plus, il faut toujours se rappeler comme dit plus haut de tenir compte des diagrammes de Fletcher qui accentuent encore cette nécessité de renforcer les basses!
Un compromis à mi-chemin entre ces deux méthodes (simplification à l'usinage et temps passé à l'harmonisation) est certainement la recommandation de Michel Fischer de mettre du 12mm sur les 4 basses et du 8mm sur les 23 suivantes qui conduit à légèrement sous-alimenter les flûtes 1, 5 et 6 et légèrement suralimenter les n°20 à 27.
Encore faut-il avoir des soupapes Erman avec un débattement de 3mm minimum qui répètent correctement sur les 4 basses!
Une autre proposition pour les inconditionnels qui a déjà été vue: faire les quatre basses avec des VMT (alimentation de 15, 13, 13 et 11) et les 23 autres avec des soupapes Erman, dans ce cas on sous-alimente un peu les 5 et 6 et sur-alimente légèrement les 20 à 27 mais les basses seront tout à fait présentes et à coup sûr.
Pour calculer les dimensions des VMC à partir du seul diamètre d'alimentation ouvrir le feuillet 2 (en bas à gauche) du tableau excel:
La deuxième colonne donne le diamètre d'alimentation et la dernière colonne les n° des flûtes d'un jeu Erman 27t pneumatique auxquelles ce diamètre s'applique.
Les colonnes 13, 14 et 15 montrent respectivement S la section d'alimentation, S/7= s mini et S/5= s maxi sont les sections mini et maxi de la lumière et donc aussi la fourchette de fonctionnement telle que l'on ne perçoit pas de changement de puissance entre deux séries successives.
Chaque série successive de diamètre de vanne est affichée sur une ligne en gras avec la fourchette de lumières auxquelles elle s'applique (colonne succession possible). Les lignes en maigre ne sont pas utilisées.
En dessous de 5 fois la pression acoustique diminue sensiblement au delà de 7 fois elle n'augmente plus et les écarts de puissance dans ces conditions entre deux types de vannes successives ne seront pas audibles.
Il faut aussi tenir compte du nombre maximal de flûtes qui jouent en même temps lors du passage d'un carton. On sait que nos souffleries débitent 4.8 litres d'air au rythme d'un tour par seconde.
voir les articles de Bernard Baudoin:
sur le débits des soufflets.
et celle sur le débit consommé par les flûtes.
Diminuer la taille des pompes pour construire des orgues plus légers et transportables va donc réduire la capacité à passer certains cartons particulièrement gros consommateurs d'air.
Un excellent test, passer des cartons comme l'orange ou vezoul de Pierre Charial permet de juger du résultat d'ensemble entre, la production d'air et les perte par les fuites, par rapport à la consommation du nombre maximal de flûtes simultanément mises en action.
Diminuer les lumières va permettre de réduire la consommation des flûtes et donc permet de réduire les pompes mais au détriment de la puissance sonore des flûtes.
L'équilibre de l'ensemble est fonction des objectifs du constructeur amateur entre la puissance sonore pour jouer en extérieur et/ou la possibilité de chanter plus fort que l'orgue en tenant compte simultanément du répertoire des cartons que l'on envisage de faire passer...
Il n'est pas possible d'agrandir le diamètre d'alimentation d'une flute après construction puisqu'il est aussi utilisé dans la vanne intégrée, le noyau et le pied. Par contre on peut toujours réduire si nécessaire le diamètre en pied avec des réducteurs du type de la figure ci-dessous:
En conclusion appliquez ses quelques conseils et rejoignez le comité de lutte contre les basses trop faibles!
Par contre il ne faut pas confondre les diamètres d'alimentation des flûtes qui sont les mêmes que pour les diamètres des vannes, avec les diamètres de raccordement entre les vannes et le distributeur, qui eux sont fixé par excès!
En effet les diamètres d'alimentation (ou d'arrivée) des flûtes et des vannes varient d'abord entre flûtes puis moins souvent entre groupes de flûtes au fur et à mesure que l'on monte dans l'aigüe, ce qui simplifie les changements d'outils pendant l'usinage.
exemple recommandé ici pour un 27 touches Erman:
N° de flûte | diamètre arrivée | diamètre raccordement |
1 | 15 | 16 |
2 | 13 | 16 |
3 | 13 | 16 |
4 | 11 | 16 |
5 | 10 | 10 |
6 | 10 | 10 |
7 | 9 | 10 |
8 | 9 | 10 |
9 | 9 | 10 |
10 | 9 | 10 |
11 | 8 | 10 ou 8 |
12 | 8 | 10 8 |
13 | 8 | 10 8 |
14 | 7 | 10 8 |
15 | 7 | 10 8 |
16 | 7 | 10 8 |
17 | 7 | 10 8 |
18 | 7 | 10 8 |
19 | 7 | 10 8 |
20 | 6 | 10 8 |
21 | 6 | 10 8 |
22 | 6 | 10 8 |
23 | 6 | 10 8 |
24 | 6 | 10 8 |
25 | 6 | 10 8 |
26 | 6 | 10 8 |
27 | 6 | 10 8 |
Les diamètres de raccordement entre vannes et distributeur eux peuvent être plus grands et utilisés pour un groupe plus large, par exemple du 16 pour les 4 basses (raccordées avec un tube PVC sous le distributeur)
un exemple pour des flûtes basses à vanne accolées.
Le distributeur non intégré qui supporte les vannes séparées des flûtes aigües est retiré pour la photo.
et du 10 pour les 23 flûtes de montre (avec l'astuce plus récente des bouchons par dessus le distributeur pour des flûtes phicophones ou des flûtes à vanne intégrée). Ce qui simplifie les approvisionnements et fournitures ainsi que les montages démontages.
une photo dans le cas d'un distributeur séparé les tubes de raccordement flutes/vannes sont tous identiques.
Mais dans les vannes comme dans les alimentations de flûtes ils sont ou égaux ou plus petits.
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