entretien d'un orgue de barbarie
L'entretien d'un orgue est indispensable à deux titres:
- les réparations d'accidents type rupture de la courroie ou vilebrequin dessoudé...
L'analyse des causes est alors évidente et les réparations indispensables!
- les opérations d'entretiens dues à l'usure du temps...
le besoin d'entretien ne se ressent que s'il y a une gêne pour les auditeurs!
Cette dernière catégorie comprend l'entretien d'un orgue, quelques fois négligé par les tourneurs qui n'ont pas construit leur orgue et qui l'on acheté neuf ou d'occasion, mais qui n'osent pas modifier quoi que se soit de peur de faire plus de dégâts que d'améliorations...
Le résultat peut devenir un orgue poussif ou fatigué et finalement totalement désaccordé et donc désagréable à écouter!
les orgues des constructeurs amateurs sont moins souvent concernés, mais avec l'habitude et la transition lente, certains tourneurs peuvent renconter le même phénomène surtout si leurs oreilles vieillissent aussi mal que le propriétaire de l'orgue.
Alors à l'attention de ceux qui éventuellement cherchent des informations sur ce sujet, voici quelques propositions d'interventions courantes et relativement faciles à faire:
1) Vérifier la pression dans la réserve avec un pèse-vent, évidemment il faut connaitre la pression de service qui a été choisie.
Si vous avez construit vous-même votre orgue vous devez vous en souvenir. Mais si cet orgue a été acheté à un professionnel et même à un amateur, cette pression est rarement gravée quelque part sur l'orgue! De plus il faut savoir où et comment vérifier cette pression.
Si on ne connait pas sa valeur, il est possible de la retrouver par le calcul avec un diapason après relevé des côtes des flûtes et tâtonnements sur cette valeur dans un tableau excel (un véritable travail d'enquête policière) !
Il faut avoir en tête que les orgues types Erman travaillent en général avec une pression entre 11 et 15 cm d'eau au pèse-vent, selon que l'on veut un orgue pas trop puissant pour pouvoir chanter plus fort que lui dans une salle ou un orgue plus puissant pour couvrir les bruits de la rue en extérieur.
2) Retendre les ressorts de réserve avant d'accorder, si cette pression est insuffisante! Là aussi il faut connaitre la pression à atteindre et aussi utiliser le pèse-vent. Car accorder sans vérifier la tension des ressorts ni la pression va conduire le tourneur à accorder en utilisant une pression de plus en plus basse jusqu'à ce que l'orgue soit incapable de fournir de l'air aux flûtes qui ne sont pas construites pour fonctionner à une pression trop basse par rapport à celle d'origine.
Il y a aussi les ressorts des presseurs qui demandent quelques fois à être réglés généralement par l'intermédiaire d'une vis qui le comprime sur une cage suspendue, lorsque l'orientation du carton est obtenue par différence de pression!
3) Pour accorder après ces vérifications il faut un accordeur et savoir s'en servir pour passer à l'accordage!
Plusieurs cas selon le type d'orgue et flûtes ou anches:
- Pour des anches comme les harmonicas ou les accordéons, mieux vaut le confier à un professionnel! Car il faut limer et c'est agressif, soit l'extrémité, soit près du rivet, pour monter ou descendre en fréquence, ce qui demande un entrainement sur des anches d'essais qui vont être sacrifiées.
- Pour des flûtes de type trompettes avec une rasette. Il faut accorder en tirant ou en poussant cette rasette
- Pour des tuyaux fermés (des bourdons) il faut selon le cas remonter ou descendre les tampons des flutes désaccordées
- Pour des tuyaux ouverts (flutes ouvertes) il faut régler une guillotine ou un clapet selon le type de réglage en place.
Il y a même des orgues avec tous les cas lorsqu'ils sont équipé de registres pour ces différents type de flûtes...
De plus il faut connaitre et choisir son tempérament et un diapason...Et là aussi il faut savoir ce que c'est avant! D'ailleurs on peut aussi décider d'en changer selon ses goûts musicaux. On peut partir d'un diapason en LA 415, 440, 442 ou 432. J'en connais qui ne savent même pas que l'on peut changer de diapason et qui n'ont jamais appuyé sur le bouton destiné à ça sur leur accordeur pourtant le plus simple et qui par ailleurs prétendent être musicien ou noteur pour nos cartons...
Le La 415 pour un orchestre baroque
Le La 432 pour ceux qui pensent que c'est plus harmonieux pour des raisons ésotériques
Le LA 440 pour un orchestre midi c'est aussi le plus courant pour jouer avec un orgue seul
Le La 442 pour un orchestre symphonique et des instruments d'orchestre moderne
Le LA 444 pour certains constructeur américains qui voudraient seulement privilégier la simplification des calculs et l'informatique
Ensuite on peut accorder dans différents tempéraments:
tempérament égal, pour transposer
tempérament inégal, pour des quintes justes
mésotonique, pytagoricien, mercadier, hamel, cordier, Werckmeiter, kimberger, etc...
Même l'expression "clavier bien tempéré" prend un sens différent pour Bach ou Mozart! C'est donc un problème de mode selon les époques et de goûts des musiciens selon leur formation!
Il existe des musiciens autodidactes et donc sans formation à la musique d'un coté et de l'autre des formations à la musique sans formation à l'histoire de la musique...
Selon votre accordeur vous avez accès à plus ou moins de fonctions!
le plus simple le La central peut varier de 410 à 480Hz et il ne permet que le tempérament égal à gamme tempéré
un autre un peu plus complet il permet aussi de changer de tempérament: égal ou inégal, (pythagoricien, milieu de gamme Mib/Do#, Werckmeister III, Kirnberger III, Kellner, Vallotti, Young)
Le tempérament le plus courant pour un orgue solitaire c'est le tempérament égal de la gamme tempérée. Le "clavier bien tempéré" a été répandu par Mozart à partir de 1770.
Les autres tempéraments ne sont utilisés ue pour des musiques particlières, anciennes ou expérimentales.
Une fois accordé il faut vérifier les répétitions.
Influence du diamètre du trou de fuite sur les temps de réponses en ouverture et fermeture
Si votre orgue est équipé de vannes à membranes ou de soupapes trop performantes il faut aussi vérifier les non répétitions. il faut bien sur avoir ces deux cartons quelques part dans ses tiroirs dans la charrette. Il faut aussi savoir régler les vis de répétitions selon son type de soupape ou de vanne.
Toute cette phase peut se comparer à celle de l’harmonisation et réglage d'un orgue neuf qui n'est pas encore stabilisé. Mais il y a quelques suppléments pour un orgue déjà stabilisé mais usé par le temps, comme dans le présent article!
On commence à mieux comprendre pourquoi les "simples" tourneurs n'osent pas "mettre les mains dans le cambouis!
4) à propos de cambouis parlons du graissage!
Rien de plus énervant qu'un couinement à chaque tour de manivelle...La solution est parfaitement connue; un peu d'huile dans les paliers du vilebrequin ou des bielles. Jetez un œil aussi aux paliers des rouleaux presseurs. Les points de graissages sont nombreux et doivent être de temps en temps nettoyés et graissés lors des démontages pour d'autres opérations, car le frottement bois sur métal génère une pâte qui devient un abrasif pour l'axe qui va en plus prendre du jeu et faire finalement aussi du bruit de façon irrémédiable...
Lors d'un démontage et remontage de vilebrequin il faut graisser à l'huile siliconée et remonter avec le serrage mini pour ne pas frotter trop fort et freiner avec les montants sur l'axe du vilebrequin, mais sans jeu, le grand classique de l'entretien.
Le jeu c'est l'âme de la mécanique! et l'huile est à la mécanique ce que la musique est à l'âme!
D'ailleurs pour ces petites opérations d'entretien il faut penser à avoir sous la main un lot d'outils pour les démontages et remontages inévitables, ainsi qu'un lot de petites fournitures de remplacement comme des vis, rondelles, écrous qui ont une nette tendance à tomber, rebondir et se glisser dans des endroits inaccessibles.
5) nettoyage
La soufflerie est d'un coté un compresseur mais de l'autre un aspirateur! Les poussières et copeaux rentrent quelquefois par les pompes et sont envoyés dans le circuit. Le point d'accumulation et de rétrécissement c'est le couloir de la lumière des flûtes entre la lèvre inférieure et le noyau. une flûte qui joue mal ou pas du tout est quelques fois simplement partiellement bouchée par ces copeaux qu'il faut nettoyer à condition de pouvoir démonter la lèvre inférieure. Car je connais des fabricants professionnels qui les collent en intercalant une feuille de papier pour empêcher leurs clients de pouvoir intervenir sur cette partie. Il faut alors le ramener chez le fabricant si vous êtes encore sous garantie ou se lancer.
Décoller avec un coup sec de marteau et en profiter pour mettre des vis...
Quelques fois c'est sur la membrane de la soupape ou de la vanne des flûtes que les copeaux se collent. Le résultat c'est une flûte qui chante faiblement en permanence. La solution c'est aussi un démontage et nettoyage. D'où l'avantage des vannes intégrées individuelles facilement accessibles et démontables par rapport aux boites à soupapes collectives et difficile à remonter.
les poussières et copeaux peuvent aussi obstruer un capillaire ou un coude de la flûte de pan c'est typiquement un défaut difficle à détecter ou analyser mais très facile à solutionner.
Les cartons qui frottent sur le chemin des cartons produisent une poussière fine qui ne rentre pas dans les trous de la flûte de pan puisqu'elle fonctionne en pression! Mais cette poussière se colle et s'accumule sur les rouleaux entraineur et presseur qui doivent périodiquement être nettoyés avec un produit adapté selon la nature du matériau (alcool, savon, sur du caoutchouc ou silicone, etc...). Sinon au bout d'un certain temps le carton glisse au lieu d'être entrainé par le rouleau quand il est "glacé" par la poussière.
Un petit coup d'aspirateur pour finir dans la zone des rouleaux presseurs en faisant attention à ne pas passer directement sur les trous de la flûte de pan ce qui risque de déformer les membranes. On peut si on y tient quand même, débrancher tous les tuyaux et alors passer l'aspirateur et les remonter en faisant attention à ne pas en inverser.
6) usure, fatigue
La courroie (thermosoudable) détendue: Il suffit de la couper et diminuer la longueur puis ressouder mais à un moment la section va diminuer et la soudure ne pourra plus résister à l'effort de traction et il faudra la changer par une courroie neuve.
L' usure du montant coté bord de référence:
Bien qu'à la construction nous tenons compte du fait que certains cartons ont une marge de 10.5mm au lieu du standard Erman de 10.0 mm pour compenser cette usure courante, la distance entre le bord de référence et le bord du premier trou varie avec la largeur du poinçon et change donc avec le noteur. En pneumatique et 27t=10.5mm pour les noteurs et 10mm pour le facteur Jean-Paul Erman
et en 42t= 6.3mm non standard. La solution définitive une flûte de pan réglable, sinon il faut à un moment reconstituer la matière du montant.
7) vérifier l'étanchéité
Pour vérifier l'étanchéité d'abord de chaque élément individellemment puis collectivement pour localiser les défauts d'un élément ou d'un autre puis des raccords entre eux.
Le plus courant des défauts d'étanchéité est celui des tampons de flutes bouchées ou bourdons. Il faut donc vérifer visuellement et à l'écoute ces tampons.
le cuir peut se détendre particulièrement pour les clapets qui sont sollicités à chaque battement pour ceux des pompes et ceux de la réserve. Ils font alors des plis et perdent de l'étanchéité. Il faut alors les retendre voire en dernière extrémité les remplacer.
Pour les clapets de réserve qui sont visibles après démontage de la réserve pas de difficulté.
Pour les clapets de pompes, si vos clapets sont conçus comme préconisé sur ce blog, c'est à dire accessibles ou démontables leur remplacement ne posera pas de problème. Mais s'ils sont posés sur le battant il faudra décoller le cuir des pompes. Même si ce cuir est collé à la colle chaude réputée réversible le fait de tirer sur le cuir va le détendre et l'allonger. Il sera difficilement réutilisable, ce qui peut obliger à remplacer aussi les cuir des pompes.
le cuir craque et fend, en général dans les plis des pompes entre les éclisses ou aux raccords bois/cuir /éclisses selon le type de tannage.
Pour une réserve on peut mettre une rustine à l'intérieur, mais pour une pompe il faut la placer à l'extérieur...si le cuir n'est pas trop fatigué d'une façon général sur le reste, sinon, remplacement total pour un très vieux orgue donc très fatigué!
la colle durcie et fissure avec le temps et contrairement à une idée fausse répandue par les facteurs d'orgues d'église la colle d'os est de ce point de vue moins résistante que d'autres! J'ai plus souvent recollé des orgues collées à la colle chaude que des orgues collées à la colle néoprène ou à la colle vinylique (voir commentaire d’un facteur d’orgue d’église). L'avantage de la colle d'os c'est d'être réversible donc démontable mais cet avantage n'est pas si utile si on prend en compte les paragraphes précédents sur le cuir qui s'allonge au démontage...
le bois fend inévitablement en viellissant même s'il a été correctement choisi, séché et mis en œuvre...
Particulièrement après une longue saison sèche ou au contraire pendant une saison trop humide ou un dégat des eaux.
Les fuites qui accompagnent ce genre d'incident ne sont pas toujours détectables extérieurement et leur analyse demande d'avoir accès à des zones non visibles directement.
La solution après diagnostique: reboucher et étanchéifier si possible ou remplacement des pièces incriminées, ce qui peut être plus contraignant que refaire à neuf un élément de l'orgue.
Pour réduire le risque à titre préventif: stabilisation du bois pour résister aux changements de température et d'humidité avec des produits d'étanchéité comme les fond durs, vernis, etc..
Où remplacement du bois par une matière non sensible à l'humidité comme le Delrin (ou POM).
8) accidents
rupture d'axe ou axe de manivelle tordu au passage d'une porte, c'est généralement l'axe du vilebrequin qui prend le choc. On redresse ou remplace l'axe c'est là que l'on apprécie un vilebrequin non soudé.
une anche décollée, facile à détecter et à recoller.
une flûte explosée, on peut récupérer le tampon et le noyau et en refaire une neuve.
9) inaction
L'inaction est aussi préjudiciable qu'une ussure excessive et prématurée. Michel fischer recommandait de passer au moins un carton chaque jour.
Avec le temps et l'inaction les membranes collent avec la résine des résineux ou le tanin des feuillus.
Un stockage long et dans des conditions inadaptées type grenier, garage, voiture avec environnement trop humide ou trop sec va avoir des concéquences néfastes.
L'immobilité des parties métaliques va laisser la rouille s'installer et "souder" les endroits censés glisser suite à l'absence de lubrifiant.
Les colles se dégradent, les caoutcoucs durcissent et fendent, etc...
L'exemple typique d'intervention sur un orgue mal stocké: l'orgue de Line
10) les risques du transport et des manutentions
Accrochage de la poignée de manivelle dans les embrasures de portes,
frottements par les vibrations pendant les transports,
trop grande variation de température et hygrométrie dans la voiture ou les lieux de stockage,
chute du volant au remontage.
11) le public et son comportement
Ils tournent la manivelle à l'envers...
Ils touchent à tout sans demander et casse une lèvre supérieure par exemple.
Ils s'appuyent sur l'orgue, voire vont jusqu'à s'assoire dessus.
Ils posent un verre et le renverse.
ils vont jusqu'à voler un carton, un tiroir ou carrément l'orgue et même la voiture.
Pour conclure l'ensemble de ces opérations d'entretien seront facilitées si vous appliquez nos recommendations comme:
l'article sur le démontage, donc l'accessibilité et un autre sur l'étanchéité .
l'ensemble de nos propositions résumées en général dans le bilan
Un exemple d'entretien celui de l'orgue de line
deux vidéos sur le sujet
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