l'assemblage final et les flutes récalcitrantes
L'assemblage
Lors de la phase finale de la construction d'un orgue de barbarie, les flutes à vanne intégrée sont collées et sonnent individuellement, la soufflerie est opérationnelle et produit de l'air à la pression prévue, le chemin des cartons entraine le carton et il plaque sur le bord de référence comme sur la flute de pan. Il reste à raccorder tout ça et faire jouer toutes les flutes.
Il faut procéder par ordre et par partie élémentaire:
Il faut d'abord:
- poser les flutes sur le distributeur avec un débit suffisant en vérifiant l’étanchéité du pied et
les fixer en partie haute mais de façon démontable,
- puis relier les tubes de commande dans l’ordre des tuyaux entre les vannes des flutes et la flute de pan du chemin des cartons,
- relier la poulie de l'entraineur du chemin des cartons à celle du vilebrequin avec la bonne longueur de courroie et le bon rapport entre poulies.
Il faut à ce moment obtenir les résultats suivants
les pré-requis pour:
- 1 les flutes,
- 2 la soufflerie,
1) Pré-requis concernant chaque flute à vanne intégrée
a) la flute a été testée sans la soufflerie donc avec une soufflerie provisoire d'essais ou éventuellement en soufflant avec la bouche dans les conditions finales à savoir avec une longueur quelconque de tube de commande branché sur une pièce qui remplace la flute de pan avec une sortie en section carré 3*3mm,
ce qui permet:
- de creuser la lumière dans la lèvre inférieure ou intercaler une cale entre le noyau et une lèvre inférieure plate pour chercher la puissance maximum, voir l'article harmonisation.
- de vérifier le déclenchement de l'ouverture et fermeture franche.
- de vérifier la rapidité de répétition en passant le doigt sur la sortie de section carré 3*3.
- un pré-accordage provisoire voir article accordage
b) simultanément pour la vanne de chaque flute avec la vis presque complètement ouverte (voir article sur les VMT ) on obtient que:
- la vanne ouvre et ferme franchement en obstruant le conduit de commande avec un doigt
- la membrane est creusée par déformation pour avoir une arrivée d'air suffisante pour obtenir une puissance relativement égale entre flutes:
Δ=Profondeur de gaufrage Δ =ΠD*D / 2L soit Δ=3/4D sans excès qui risque de provoquer un effet de voute
Inversement quand la vis est serrée à fond et ferme le capillaire la flute sonne de façon continue même en manœuvrant la sortie du tuyau de commande.
2) Pré-requis concernant la soufflerie
a) la réserve se gonfle complètement, donc jusqu'à avoir un échappement d'air à la soupape de surpression, en 2 tours de manivelle maximum, c'est une question de rapport des poulies
b) la réserve se dégonfle lentement, en un temps minimum de 5 secondes après l'arrêt de la manivelle, si possible plus de 10 secondes, c'est une question d’étanchéité principalement d'étanchéité des clapets et des membranes des vannes, mais aussi des joints de réserve et pompes sur le collecteur, de joints sur les supports de clapets démontables de pompes, etc..
c) elle atteint la pression du diapason plus une marge pour la perte de charge dans la vanne exemple si votre diapason a été calculé avec 11 cm de pression pour les flutes, en raison des pertes de charge dans les vannes, vous devez avoir 11+ (2 à 4) = 14 ±1 cm d'eau mesurée au pèse-vent
d) la différence de pression mesurée dans la réserve avec le battant de réserve au maximum et celle au minimum en se dégonflant juste avant de toucher est la plus faible possible.
Cet objectif est atteint en fonction de la force et la position des ressorts et en calculant un peu si on maitrise ces calculs.
3) Pré-requis sur le chemin des cartons
a) le train entraineur et presseur entraine le carton sans patinage ni arrêt
b) aucun canal de la flute de pan ne communique avec un canal voisin
c) chaque conduit de la flute de pan est étanche en présence du carton à la pression du 2c.
C'est une question de réglage de hauteur entre la flute de pan et le rouleau entraineur.
d) le carton reste au contact du bord de référence en faisant défiler un carton
En général si vous avez vérifié chaque élément à chaque étape, l'ensemble fonctionne correctement et immédiatement. On ressent une émotion proche du soulagement de celui qui assiste au premier cri d'un enfant à sa naissance, pour l'homme, car pour une femme c'est plus douloureux...
Comme disait Pierre Desproges: "l'accouchement est douloureux! Heureusement dans ces moments là, l'homme tient la main de la femme, ainsi, il souffre moins". Mais il y a peu de femme dans la communauté des constructeurs!
la flute récalcitrante
Mais malgré tout quelques fois on a une ou plusieurs flutes qui chante séparément de l'orgue mais pas une fois montée sur l'orgue on dit alors qu'elle est récalcitrante! C'est là qu'intervient la deuxième partie de cet article: Que faire face à une telle flute récalcitrante?
Si on a une ou quelques flutes qui refusent de jouer, de répéter, qui coupent sur les petits pont. Ou au contraire si cette flute joue et répète normalement sur les grands ponts et ne répète pas sur les petits, ce qui est bon signe, mais qu'elle est faible en puissance par rapport aux autres, ou encore si elle joue trop fort dans les mêmes conditions, on se trouve devant un problème!
Quand on change le paramètre qui doit rectifier l'effet en cause et que c'est un autre qui n'a rien à voir qui ne fonctionne plus et cause un effet encore plus désastreux, plus on rectifie pire c'est! Et quand enfin, ça va un peu mieux on n'a fait que revenir au point de départ. Une situation que beaucoup ont vécu...
On m'a plusieurs fois demandé de rédiger un article sur le sujet, et c'est ce que je tente de faire ici, ceci est contraire à mon opinion initiale parce que je pensais que c'est un sujet trop vaste pour être résumé et surtout trop complexe pour être expliqué clairement, comme souvent il se comprend mieux par la pratique! mais on va tenter tout de même quelques explications en "organisant" ses idées et en résumant ma pratique:
Pour résumer il faut envisager tout problème lié à:
l'étanchéité, la nature du matériau, aux collages entre éléments par défaut ou par excès de colle, aux modifications liées au problèmes de changement de température et/ou d'hydrométrie, de vieillissement, d'usure, d'accident, d'accroc, de fatigue, de voyage de copeaux, de poussières des cartons, les réparations ou corrections au cours des montages et démontages successifs, une inversion de sens au remontage, et ce pour chaque partie. Donc milles raisons difficiles à recenser et analyser pour résoudre le problème. Pour ce faire il faut pouvoir observer la flute en l'ayant dans les mains mais aussi l'écouter une fois montée sur l'orgue!
On peut y passer quelques fois plus de temps pour une seule flute, que pour toutes les autres... C'est la crise de nerf! Donc avant de tout jeter au feu et de faire une déprime, voici quelques pistes!
D'abord si les autres sonnent normalement cela signifie au moins que le diapason est correct! Restons calme.
Il ne faut modifier qu'un seul paramètre à la fois pour pouvoir revenir en arrière ensuite, sinon on ne sait pas ce qui a agit pour corriger quand ça fonctionne enfin. Si on n'y arrive pas, il faut pouvoir revenir en arrière pour ensuite essayer autre chose pour vérifier que le problème était bien dans ce qu'on vient de corriger ou que le problème est bien dans ce qu'on va corriger.
Pire encore il ne faut pas aggraver la situation en introduisant d'autre défauts!
Il va falloir renouveler quelques vérifications car un détail a échappé ou a été modifié involontairement:
B Pour la flute vérifications sur:
- le corps B1,
- l'excitateur B2,
- le pied de flute B3
C Pour la vanne à membrane vérifications sur:
- la membrane C1,
- la chambre C2,
- le conduit capillaire C3,
- l'insert C4
D Pour le tuyau de commande et la flute de pan vérifications sur:
- le tuyau D1,
- les canons D2,
- la flute de pan D3
B1 Vérifications sur le corps de flute
a) le tampon pour les bourdons ou flute bouchée avec les tampons en silicone une possibilité à ne pas négliger c'est le décollement des cotés ou des façades du corps de flute lors de la compression de tampon qui les fait s'entre-bailler, ce qui ne peut s'observer qu'à ce moment, car sans le tampon les cotés semblent être collés ce qui n'est pas exact.
b) le collage entre le noyau et les planches est étanche. Il ne doit pas y avoir de passage entre la chambre de noyau et le corps de flute. Ce qui se vérifie en soufflant par l'arrivée du vent en pied et en présence de la vanne à membrane et en bouchant le conduit de commande d'un coté et en obstruant la place de la lèvre inférieure avec la paume de la main d'un autre coté.
c) le collage des planches du corps. La méthode d'inspection avec lumière interne ou au soleil en externe fonctionne seulement pour les collages des cotés mais pas pour des trous de vers par exemple. La méthode par insufflation et vérification de l'étanchéité est plus efficace donc recommandée. Il faut particulièrement examiner le collage de la partie de la lèvre supérieure des flutes traditionnelles qui est biseauté si on a mal placé la cale biaise lors du collage. Ce cas ne se présente pas pour les flutes phicophones ou avec potelets.
B2 vérifications sur l'excitateur, zone du noyau
a) zone entre noyau et planches: vérifier l'étanchéité des collages
b) zone entre noyau (le biseau des facteurs) et la lèvre inférieure donc le couloir avant lumière: vérifier l'état de surface qui doit être lisse. Vérifier aussi la forme de la lumière.
c) planéité entre noyau et chambre de la vanne en cas de chuintement par fuite: intercaler un joint cuir supplémentaire en mégis de 0.7mm pour une meilleure résilience.
B3 étanchéité du pied de flute sur distributeur
3 solutions:
le bouchon, abandonné
le tube PVC entre deux canons, ou tube souple annelé des basses percé.
le cône mâle coté flute, femelle coté sommier avec un outil spéciale de lutherie, une lousse, la solution traditionnelle que nous ne pratiquons pas le texte en anglais et la figure:
Il n'est pas possible d'agrandir le diamètre d'alimentation d'une flute après construction puisqu'il est aussi utilisé dans la vanne intégrée, le noyau et le pied. Par contre on peut toujours réduire si nécessaire le diamètre en pied avec des réducteurs du type de la figure ci-dessous:
Ceci modifie les pressions et débits selon l’effet venturi qui est réputé contraire à l'intuition donc prudence...
C1 vérifications sur la vanne
a) la membrane: vérifier ses déformation et débattement, selon le type de vanne (tangentielle ou concentrique)
Dans le cas de membrane en cuir de boursette, éventuellement assouplir ou placer un ressort derrière dans la chambre.
Pour tous les cas de membrane, vérifier que la membrane est bien placée et ne recouvre pas le trou de vis de réglage de répétition, par inversion par exemple.
Vérifier surtout que la membrane n'a pas été pivotée selon une rotation dans son plan ou un retournement hors du plan surtout si elle est collée sur un support carton car alors elle n'est plus au contact du siège.
b) le canon de tube de commande n'est pas décollé et est bien étanche, ni obstrué.
Un cannon décollé peut s'enfoncer, quand on branche le tuyau de commande. il va alors percer la membrane ou gêner son débattement .
C2 zone de la chambre
le collage des deux partie bois de la chambre et capot est étanche et plan sur la façade arrière du corps de flute pour éviter une fuite au niveau de la membrane. Sinon améliorer la résilience en plaçant une deuxième épaisseur en peau de 0.7mm évidée dans sa partie centrale comme en B2c.
Le cas des flute en carton plume n'a pas ce problème mais en contre partie la zone de chambre en carton plume présente quelques fois des fuites de communications entre les passages des vis de fixation et les autres évidements (insert ou chambre).
C3 le conduit capillaire entre la chambre et le passage de l'insert est libre et non obstrué.
Par exemple par la membrane qui est mal centrée:
Un cas courant c'est l'inversion haut bas de la membrane qui alors bouche le conduit capillaire. il faut démonter et repositionner la membrane, comme dit précédemment.
C4 Zone de l'insert
l'insert n'a pas éclaté le bois, si oui boucher à la pâte siliconée ou avec de la colle ou du vernis.
L'insert a été trop enfoncé et bouche le passage du capillaire de chambre il n'y a plus le passage dans le capot de Vanne.
Rien ou aucun corps étranger ne bouche le conduit capillaire; déboucher et/ou nettoyer.
Vérifier si la membrane est montée à l'envers ou a été déplacée.
Il n'y a pas de fuite entre l'insert et la vis; enduire de pâte siliconée.
Le pointeau de la vis est bien centrée sur l'insert et ne bute pas sur le siège en laiton ou le rivet pop, si c'est le cas on a des difficultés à faire sonner ou à régler l'ouverture de la vanne.
D1 le tube de commande
Dans un coude trop raide ou de rayon trop court le tube s'écrase et forme un pli qui ferme le passage de l'air, pour corriger voir l'article étanchéité et démontage et surtout la vidéo du cintrage.
D2 les canons
Pas de fuite sur le bois autour par une fente ni de décollage suite aux démontages successifs du tube de commande coté chambre ou coté flute de pan.
D3 dans la flute de pan
Pas de coulures de colle ni communication entre canaux.
Une astuce simple pour améliorer l'étanchéité des espaces inaccessibles après collage comme dans un corps de flute, la flute de pan ou le collecteur: Scotcher tous les trous (pour un corps de flute seulement la bouche ) sauf un (pour le collecteur) et remplir de fond dur, de vernis ou colle liquide, puis incliner pour l'envoyer partout, voire le mettre en pression, et enfin vider, égoutter et laisser sécher. J'ai déjà sauvé des situations inhabituelles de cette manière, mais il faut veiller à ne pas obstruer un endroit qui doit laisser passer l'air.
Il faut observer chaque partie et comparer avec les flutes encadrantes qui fonctionnent pour éventuellement trouver où est la différence qui provoque l'anomalie.
Le brunissage (lissage par pression avec un affiloir) et même graissage à la mine de plomb du couloir de lumière donne une nette amélioration même pour les flûtes qui jouent déjà normalement avant.
Les difficultés sont vite oubliées après, et quelques fois, on ne sait même plus comment on a fait pour réussir puisqu'on a touché à tout.
Dans les cas désespérés si après toutes ces tentatives la flûte résiste encore on gagne du temps à simplement la refaire entièrement, cela m'est déjà arrivé!
Donc si vous avez essayé tout ça sans trouver de solution, ni reçu d'aide, venez au prochain rassemblement de constructeur avec l'ensemble! Il y aura peut-être un BOB (Bricoleur d'Orgue de Barbarie) pour vous dire au premier coup d'œil comment arranger ça en deux coups de cuillère à pot ou rien qu'en lui chatouillant un peu le gicleur.
C'est à vous dégoutter d'avoir tenté l'aventure de la construction d'un orgue de barbarie dont je dis souvent que ce n'est pas difficile mais seulement une somme de menus détails. Ou que ce n'est pas faire de la lutherie mais plutôt de la plomberie.
Il faut avoir déjà vu tout ça et l'avoir pratiqué pour espérer enfin terminer son orgue et qu'il joue correctement au moins pour son oreille. Mais quel soulagement et quelle satisfaction au bout du compte.
Très souvent les BOB pensent avoir terminé le coté technique et passent immédiatement à la décoration. c'est négliger une phase importante l'harmonisation, les réglages, la stabilisation et la suppression des bruits intempestifs qui fait toute la différence entre un "bouzin" et un orgue correct!
Il m'arrive maintenant de relire et appliquer cet article face à une flute récalcitrante pour bien vérifier que je parcoure toutes ces possibilités avec méthode et rigueur ce qui me confirme que j'ai bien fait et que j'ai raison, je m'étonne moi-même!
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